Perception
La lucidité

Voilà pourquoi il est important de se connaître directement, non selon une quelconque formule ou selon un gourou. Cette lucidité constante sans option met fin à toutes les illusions et à toutes les hypocrisies.

Un sannyasi (moine) :
La pulsion biologique n'engendre pas la pensée ; la pensée la capte, la pensée l'utilise, la pensée forme des images, des tableaux au moyen de cette pulsion et alors celle-ci devient l'esclave de la pensée. C'est la pensée qui, la plupart du temps, provoque la pulsion. Ainsi que je l'ai dit, je commence à voir la nature extraordinaire de nos illusions et de notre malhonnêteté. Il y a beaucoup d'hypocrisie en nous. Nous ne pouvons jamais voir les choses telles qu'elles sont, mais nous avons besoin de créer des illusions à leur sujet. Ce que vous êtes en train de nous dire, Monsieur (Kishnamurti), c'est de tout regarder avec des yeux clairs, sans les souvenirs du passé : vous l'avez répété si souvent dans vos discours. Alors la vie n'est plus un problème. A mon âge avancé, je commence à peine à m'en rendre compte.

Le jeune homme qui l'accompagnait n'avait pas l'air pleinement satisfait. Il voulait que la vie soit selon sa propre concept
La simplicité

Voyons ce que la simplicité n'est pas et ne répondez pas à cela que ce point de vue est négatif, qu'il vous faut quelque chose de positif ; ce serait là une réaction puérile, irréfléchie. Ceux qui vous donnent du « positif » sont des exploiteurs ; ils ne vous offrent que ce que vous désirez. C'est avec cela qu'ils vous exploitent.

L'homme qui possède beaucoup a peur de la révolution, intérieure et extérieure.

Un esprit habile n'est pas simple.
Un esprit qui a un but en vue pour lequel il travaille : une récompense, une crainte, n'est pas un esprit simple
Un esprit surchargé de connaissances n'est pas un esprit simple
Un esprit mutilé par des croyances, un esprit qui s'est identifié à ce qui est plus grand que lui et qui lutte pour maintenir cette identité n'est pas un esprit simple.

L'on pense que la simplicité consiste à ne posséder qu'un ou deux pagnes ; nous voulons les signes extérieurs de la simplicité et sommes facilement trompés par eux. Voilà pourquoi l'homme très riche rend un culte à celui qui a renoncé.

Qu'est-ce que la simplicité ?

peut-elle être l'élimination du non-essentiel et la poursuite de l'essentiel, c'est-à-dire le processus d'un choix  à faire ?
Lorsque vous choisissez, votre choix est basé sur votre désir. Ce que vous appelez « l'essentiel » est ce qui vous donne de la satisfaction. Et ainsi nous revoilà dans le même processus. Est-ce qu'un esprit confus peut choisir ? s'il choisit, son choix doit être confus aussi !

Par conséquent, le choix entre l'essentiel et le non-essentiel n'est pas la simplicité : c'est un conflit. Un esprit en conflit, dans un état de confusion, ne peut jamais être simple.

Lorsque vous aurez éliminé, lorsque vous aurez réellement observé et « vu » tout ce qui est faux dans l'esprit, tous les tours de votre pensée, lorsque vous en serez conscient, vous saurez vous-mêmes ce qu'est la simplicité.
Un esprit enchaîné par des croyances n'est jamais un esprit simple.
Un esprit tombé dans la routine des affaires, des rituels, n'est pas simple.

La simplicité est « action sans idée ». Mais c'est une chose très rare : elle implique un état créatif..

La simplicité n'est pas une chose que l'on puisse poursuivre et expérimenter ; elle vient, telle une fleur qui s'épanouit à son heure, lorsque l'on comprend le processus de l'existence et des relations.

Nous accordons de la valeur à tous les signes extérieurs de la non-possession … mais ces signes ne sont pas la simplicité.
La simplicité ne peut pas être « trouvée » : elle n'est pas un choix à faire entre ce qui essentiel et ce qui ne l'est pas. Elle ne survient que lorsque le moi n'est pas, lorsque l'esprit n'est pas tombé dans le réseau des spéculations, des conclusions, des croyances, des identifications.

Seul un esprit ainsi libre peut recevoir ce que l'on ne peut ni mesurer ni nommer.
L'état de perception

Nous connaître veut dire connaître nos rapports avec le monde ; non seulement avec le monde des idées et des hommes mais aussi avec la nature et avec les objets que nous possédons. Car c'est cela notre vie : la vie est un état de relation avec le tout. Et pour comprendre ces relations, est-il nécessaire d'être un spécialiste ? Evidemment pas. Il suffit d'être assez lucide pour aborder la vie en tant que totalité. Comment être lucide? C'est cela notre problème : comment être en état de perception aiguë ? comment aborder la vie intégralement, non seulement dans nos relations avec le monde extérieur, mais aussi dans nos rapports avec ce que l'esprit fabrique sous formes d'idées, d'illusions, de désirs, etc ? comment être conscient de tout ce processus des relations ? Car c'est de cela qu'est faite notre vie ; il n'y a pas de vie sans relation. Baser la connaisance de soi sur la perception claire et totale du processus des relations est le contraire de l'isolement.

Comment être lucide ? comment sommes-nous conscients de quoi que ce soit ? Des relations que nous avons avec les hommes, avec les arbres, avec les chants des oiseaux ? de celles que suscite en nous la lecture d'un journal ? sommes-nous conscients de nos réactions profondes aussi bien que des réponses superficielles de l'esprit ? Nous sommes d'abord conscients d'une réaction à un stimulus, ce qui est évident : je vois un arbre et il y a réaction, puis sensation, contact, identification, désir. C'est le processus habituel et nous pouvons l'observer tel qu'il se produit sans avoir besoin de l'étudier dans des livres.

Par l'identification nous éprouvons du plaisir ou de la souffrance. Notre « capacité » consiste alors à adhérer au plaisir et à éviter la souffrance.. Si une chose nous intéresse, si elle nous donne du plaisir, il y a immédiatement une «capacité», il y a une prise de conscience et si cette chose nous fait souffir, la « capacité » se développe de l'éviter. Or, tant que pour nous connaître, nous développons notre « capacité » de le faire, je pense que nous devons échouer, car il ne peut être question de « capacité » dans la connaissance de soi. Il ne s'agit pas d'une technique à mettre au point, à perfectionner, à aiguiser en y mettent le temps. Cette perception de soi peut être constamment mise à l'épreuve au cours de nos relations avec les choses les plus simples, dans la façon dont nous parlons, dont nous nous comportons. Examinez-vous sans identification, sans comparaisons, sans condamnation ; observez simplement et vous verrez une chose extraordinaire avoir lieu : non seulement vous mettez fin à une activité qui est inconsciente (et la plupart de nos activités le sont) mais vous devenez conscient des mobiles de cette action, sans enquête, sans analyse.

La personne lucide est celle qui voit le processus total de sa pensée et de son action ; mais cette vision ne peut se produire que l'orsqu'il n'y a aucune condamnation. En effet, condamner c'est ne pas comprendre ; c'est une façon d'éviter de comprendre. Je crois qu'en général nous le faisons exprès : nous condamnons immédiatement et croyons avoir compris. Si nous ne condamnons pas nos actes mais les regardons, leur contenu, leur vraie signification s'ouvrira, au contraire, à nous. Faites-en l'expérience et vous verrez qu'il en est ainsi. Soyez simplement en état de perception, sans aucun sens de jusitification.  Cela peut vous paraître négatif, mais cela ne l'est pas. Au contraire, cette approche a un caractère de passivité qui est action directe ; vous vous en rendez compte en l'essayant.

Après tout, si vous voulez comprendre quelque chose, vous devez vous mettre dans un état d'esprit passif ; vous ne spéculez pas indéfiniment dessus, émettant mille idez et mille questions ; car pour recevoir le contenu de la chose vous devez être sensitif ; vous devez l'être à la façon d'une plaque phtographique. Si je veux vous comprendre, je dois être dans un état passif de perception et avlors vous commencez à me raconter toute votre histoire. Il ne s'agit éveidemment pas là de capacité ou de spécialisation. Au cours de ce processus, nous commencçons ànous comprendre nous-mêmes, non seulement dans les couches les plus en surface de notre conscience, mais dans les couches profondes, ce qui est bine plus important, car c'eset là que sont nos mobiles, nos intentions, nos désirs confus et secrets, nos angoisses, nos craintes, nos appétits. Peut-être les dominons-nous extérieurement, mais intérieurement ils sont en ébullition. Tant que nous ne les comprenons pas par la conscience que nous en avons, il n'y a évidemment pas la liberté, pas de bonheur, pas d'intelligence.

L'intelligence n'est pas une affaire de spécialisation, mais, est au contraire, la percpetion du processus total de notre être. Faut-il se spécialiser pour se voir ? c'eset ce que vous faites constamment, pourtant. Il y a le prêtre, le docteur, l'ingénieur, l'industriel, l'homme d'affaires, le professeur ; nous avons la mentalité inhérente à toute cette spécialisation. Pour réaliser la plus haute forme d'intelligence, qui est la vérité, qui ne peut pas être décrite, nous croyons qu'il nous faut devenir des spécialistes. Nous étudions, nous tâtonnons, nous explorons ; et avec la mentalité de spécialistes, ou le concours de spécialistes, nous nous étudions afin de développer en nous une capacité, laquelle nous permettrait de mettre à nu nos conflits et nos misères.

Tout problème pour être bien compris, exige évidemment une certaine intelligence ; et cette intelligence ne peut pas être celle d'un esprit spécialisé ; elle ne naît que lorsqu'on perçoit  passivement tout le processus de la conscience, c'est-à-dire lorsqu'on est conscient de soi-même, sans choisir entre ce qui est bien et ce qui est mal. Lorsque vous êtes passivement en état de perception, vous voyez qu'à travers cette passivité, laquelle loin d'être paresse ou sommeil, est extrême vivacité - le problème a un tout autre sens ; en effet, il n'y a plus d'identification avec lui, donc pas de jugement et par conséquent il commence à révéler son contenu. Si vous êtes capable de faire cela constamment, continuellement, chaque problème peut être résolu en profondeur et non plus en surface. Là est la difficulté, car la plupart d'entre nous sont incapables d'être passivement lucides, de laisser le problème raconter son histoire sans que nous l'interprétions. Nous ne savons pas nous examiner sans passion. Nous en sommes incapables parce que nous voulons que notre conflit, en sa résolution, produise un résultat ; nous voulons une réponse, nous poursuivons une fin ; ou bien nous essayons de traduire le problème selon notre désir ou notre souffrance ; ou encore nous avons déjà une réponse sur la façon dont il faut le traiter. Ainsi nous abordons un problème qui est toujours neuf d'un point de vue qui est toujours vieux. La provocation est neuve, mais notre réponse est vieille et notre difficulté est d'aborder la provocation d'une façon adéquate, c'est-à-dire pleinement. Le problème est toujours une question de relations, avec des choses, des personnes, des idées : il n'y en a pas d'autre ; et pour correspondre exactement aux exigences faut voir ceux-ci à la fois clairement et passivement. Cette passivité n'est pas une question de détermination, de volonté, de discipline ; être conscient du fait que nous ne sommes pas passifs : voilà le début. Comprendre que c'est telle réponse particulière que nous voulons à tel problème, c'est déjà nous comprendre en relation avec ce problème ; et au fur et à mesure que nous nous connaissons dans nos rapports avec lui, voyant quelles réactions il éveille en nous, quels préjugés, quels désirs, quelles ambitions, cette prise de conscience nous révelera le processus même de notre pensée, de notre nature intérieure ; et en cela est une libération.

  • L'important est évidemment de ne pas choisir, car tout choix engendre des conflits. C'est lorsque mon esprit est confus que je choisis ; s'il n'y a pas de confusion, il n'y a pas de choix. Une personne simple et claire ne choisit pas entre faire ceci ou cela ; ce qui est, est. Une action basée sur une idée est évidemment issue d'un choix ; une telle action n'est pas libératrice ; au contraire, elle n'engendre que de nouvelles résistances, de nouveaux conflits, conditionnés par l'idée.

L'important est d'être conscient d'instant en instant, sans accumuler les expériences qui en résultent ; car aussitôt que l'on accumule, on n'est plus conscient qu'ne fonction de cette accumulation, de cette image, de cette expérience. Autrement dit, la perception étant conditionnée par l'accumulation, on cesse d'observer, on traduit. Traduction veut dire choix ; le choix engendre un conflit ; et dans l'état de conflit il n'y a pas de compréhension.

Cette lucidité passive n'est le fruit d'aucune forme de discipline ; elle consiste à être conscient, d'instant en instant, de nos pensées et de nos sentiments, et non seulement à l'état  de veille, car nous verrons, au fur et à mesure que nous nous approfondirons en nous-mêmes, que nous commencerons à rêver, à rejeter à la surface toutes sortes de symboles que nous traduirons sous formes de rêves. Ainsi nous ouvrirons la Porte à ce qui este caché en nous, qui devient le connu ; mais pour trouver l'inconnu il nous faut aller au-delà de la Porte et c'este la notre difficulté. La réalité n'est pas une chose que l'esprit puisse connaître, car l'esprit est le résultat du connu, du passé ; donc l'esprit doit se comprendre et comprendre son fonctionnement, sa vérité et alors seulement est-il possible à l'inconnu « d'être ».
Voir et entendre

Voir est une des choses les plus difficiles au monde : voir ou entendre, ces deux perceptions sont semblables. Si vos yeux sont aveuglés par vos soucis, vous ne pouvez pas voir la beauté d'un coucher de soleil. Nous avons, pour la plupart, perdu le contact avec la nature. La civilisation nous concentre de plus en plus autour de grandes villes : nous devenons de plus en plus des citadins, vivant dans des appartements encombrés, disposant de moins en moins de place, ne serait-ce que pour voir le ciel un matin ou un soir. Nous perdons ainsi beaucoup de beauté. Je ne sais pas si vous avez remarqué combien peu nombreuses sont les personnes qui regardent le soleil se lever ou se coucher, ou des clairs de lune, ou des reflets dans l'eau.
N'ayant plus ces contacts, nous avons une tendance naturelle à développer nos capacités cérébrales. Nous lisons beaucoup, nous assistons à de nombreux concerts, nous allons dans des musées, nous regardons la télévision, nous avons toutes sortes de distractions. Nous citons sans fin les idées d'autrui, nous pensons beaucoup à l'art et en parlons souvent. A quoi correspond cet attachement à l'art ? Est-ce une évasion ? Un stimulant. Lorsqu'on est directement en contact avec la nature lorsqu'on observe le mouvement de l'oiseau sur son aile; lorsqu'on voit la beauté de chaque mouvement du ciel; lorsqu'on regarde le jeu des ombres sur les collines ou la beauté d'un visage, pensez-vous que l'on éprouve le besoin d'aller voir des peintures dans un musée.
L'attention

Nous est-il possible de nous délivrer de tout notre conditionnement psychologique ? 

Le conditionnement biologique est une chose naturelle, mais le conditionnement psychologique (les haines, les antagonismes, l'orgueil, tous les facteurs de confusion) c'est cela qui constitue la nature même de l'ego, qui n'est autre que la pensée.

Pour faire ces découvertes, il faut de l'attention, qui n'est pas la concentration. Il est extrêmement important de méditer, car un esprit purement mécanique, comme l'est la pensée, ne pourra jamais entrer en contact avec ce qui est l'ordre absolu, suprême, et donc la liberté totale. Il nous faut un esprit qui est compris le désordre et qui échappe à la contradiction, à l'imitation, au conformisme. Un tel esprit est vraiment attentif. Il est complètement attentif à tout ce qu'il fait, à chacun de ses actes dans le contexte relationnel. Mais l'attention n'est pas la concentration, qui, elle, est étroite, restreinte, limitée, tandis que l'attention est sans limite.

Pour explorer la vérité, il faut mobiliser tout son capital d'énergie, être capable de faire preuve de suffisamment d'attention pour ne pas agir en fonction d'un schéma établi, il faut au contraire observer ses propres pensées, ses sentiments, ses contradictions et ses peurs, et aller bien au-delà, de sorte que l'esprit soit absolument libre.
  • La vision pénétrante

K : comment la vision pénétrante se produit-elle ? Si ce n'est pas le processus de la pensée, alors quelle est la qualité de l'esprit, ou la qualité de l'observation, dans laquelle la pensée n'entre pas ? Et parce qu'elle n'entre pas, vous avez une vision pénétrante. Nous avons déjà dit que la vision pénétrante est complète. Donc la pensée ne peut pas induire une vision pénétrante. Est-ce une suspension de la pensée ?

La vérité peut opérer dans le champ de la pensée, dans la réalité. Dans ce cas, comment notre esprit voit-il la vérité ? Est-ce un processus ?

David Bohm : Vous demandez s'il y a un processus consistant à voir. Il n'y a pas de processus, cela impliquerait le temps.

K : c'est exact

D.B : La pensée ne peut qu'accepter cette vision pénétrante, la porter, y répondre.

K : Ou alors cette vision pénétrante est tellement vitale, tellement chargée d'énergie, tellement pleine de vitalité qu'elle force la pensée à opérer. Il y a nécessité d'opérer.

La plupart des gens ont une vision pénétrante, mais la force de l'habitude est telle qu'ils la rejettent. Peut-on s'affranchir de ce rejet, s'affranchir de l'habitude, du conditionnement, de ce qui fait obstacle à la vision pénétrante ? Bien qu'on soit susceptible d'avoir une vision pénétrante, le conditionnement est si puissant que l'on rejette la vision pénétrante. Voilà ce qui se passe.

D.B : j'ai vérifié la définition du mot " habitude " : " disposition, état d'esprit établi, installé " ; ça paraît très juste. L'esprit est installé dans un certain cadre rigide qui résiste au changement.

K : En bref, on a une vision pénétrante de la vérité et de la réalité. Notre esprit est disposé d'une certaine manière, il a contracté des habitudes dans l'univers de la réalité ; c'est là qu'il VIT .

La pensée ne peut anéantir le conditionnement. Alors qu'est-ce qui peut le faire ?

D.B : Seule la vérité, la vision pénétrante a cette faculté.

K : je pense qu'il se produit quelque chose. Je me rends compte que je suis conditionné et je me dissocie du conditionnement ; je suis distinct de mon conditionnement. Si j'arrive à voir que " l'observateur est la chose observée ", que l'observateur et ce qu'il observe ne sont qu'UN, alors le conditionnement commence à se désagréger.

Il y a quelque chose que je ne suis pas certain de très bien faire comprendre. Je veux mettre cela en pratique dans ma vie. Je traite le réel comme s'il était la vérité et je m'y soumets, je vis dedans (mes dieux, mes habitudes, tout). Et voici que vous me dites " mais voyons, la vérité et la réalité ne sont pas identiques " et vous me l'expliquez. Comment vais-je me débarrasser de ce poids énorme ? Il me faut de l'énergie pour briser ce conditionnement. Je vois rationnellement l'importance de cette indispensable mise en pièces du conditionnement, j'en vois la nécessité, je vois comment cela fonctionne (la division, le conflit et tout le reste avec toutes les implications). Lorsque je m'aperçois donc que l'observateur est la chose observée, une énergie d'une tout autre nature apparaît. C'est là où je veux en venir.


J'ai une vision d'ensemble de ce que vous m'avez décrit. J'ai un esprit dans la bonne moyenne, je suis capable de discuter, d'expliquer les choses, et ainsi de suite, mais cette qualité d'énergie ne vient pas. Et votre compréhension, votre compassion, votre perception de la vérité font que vous voulez que j'ai cette qualité. Vous me dites : " je vous en prie, voyez cela ". Mais moi, je n'y arrive pas, parce que je vis toujours au royaume de la REALITE. Vous, vous vivez dans le royaume de la VERITE ; pour moi c'est impossible. Il n'y a pas de relation entre vous et moi. Je me fie à votre parole, je vois qu'elle est fondée, qu'elle est effective, logique, mais je ne parviens pas à briser les barrières.

Comment allez-vous m'aider ? Comment pouvez-vous m'aider à briser ces barrières ?

Ce rôle vous incombe, parce que vous voyez la vérité et moi pas. Vous dites : " ouvrez les yeux, je vous en conjure ". Comment pouvez-vous m'aider ? grâce à des paroles ? nous entrons alors dans un domaine qui m'est déjà familier. C'est effectivement ce qui se passe en ce moment, vous comprenez ? Qu'allez vous faire de moi qui refuse de voir ce qui est pourtant là, sous mes yeux ? Et vous faites remarquer que, tant que nous vivrons dans cet univers du réel, régnera le meurtre, le conflit. Comment allez-vous me transmettre cette chose là ? Je veux savoir, je le désire ardemment.

D.B : tout ce qu'on peut communiquer, c'est l'intensité.

K : ce que vous dites, échappe aux systèmes, aux méthodes, qui font tous partie du conditionnement. Ce que vous dites c'est quelque chose d'entièrement nouveau, inattendu, quelque chose à quoi je n'ai même pas accordé une seconde de réflexion. Et vous venez, avec votre hotte pleine, et je ne sais pas comment vous recevoir.

D.B :  il semble que personne n'ait jamais réussi à le surmonter.

K : non personne. Cela fait partie de l'éducation qui nous confine perpétuellement dans le champ du REEL.

D.B. Tout le monde espère trouver une voie toute tracée dans le champ du réel.

K : alors que vous parlez d'une énergie radicalement différente de celle du réel. Et vous dites que cette énergie va dissiper tout cela, mais en s'appuyant sur le réel.

D.B : oui, elle agira par son intermédiaire.

K : mais ce ne sont que des mots pour moi, parce que l'éducation, la société, l'économie, mes parents, tout mon univers est ici, dans le domaine du réel. C'est ici que travaillent tous les scientifiques, tous les professeurs, tous les économistes, tout le monde est ici. Et vous me dites : " regardez " … mais je refus de regarder.

Donc, lorsque nous discutons de cela, y-a-t-il une pensée qui ne soit pas dans le champ de la réalité ?


Définitions :

La REALITE  est telle ou telle chose, peut-être même toute chose

La VERITE n'est nulle chose (c'est ce que signifie le mot néant : nulle chose)

Le VIDE signifie à l'origine vacant, inoccupé, à loisir

…….

K : L'esprit doit être inoccupé. Il ne doit pas être occupé par la réalité. Il doit donc être vide.

D.B : il est clair que les choses, c'est ce à quoi nous pensons, nous sommes donc obligés de dire que le cerveau ne doit penser à rien.

K : c'est exact. Cela veut dire que la pensée ne peut pas réfléchir au vide.


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